"Héro pleurant Léandre" : Quand l'amour est une force

L'amour, thème éternel chez les artistes

À Fontenay-aux-Roses, l’amour s’invite partout : dans les vitrines, sur les murs, en musique… et même dans la pierre. À l’occasion du Festival Danses et Musiques Ouvertes, la Ville lance #FARMonAmour, un dispositif sensible et participatif qui invite chacun à partager ce (ou celui) qu’il aime : une personne, un lieu, un souvenir. Ce mouvement d’émotion collective trouve une résonance toute particulière dans une œuvre emblématique conservée à l’Espace Pierre Bonnard : Héro pleurant Léandre du sculpteur Denys Puech.

Réalisée en 1929, cette sculpture en plâtre patiné illustre une scène d’amour tragique inspirée de la mythologie grecque. Elle représente le mythe de Héro et Léandre, une histoire dramatique relatée par Ovide dans les Héroïdes (lettres XVIII et XIX), et brièvement évoquée par Virgile dans les Géorgiques (livre III, vers 258).

Récit de la tragédie de deux amants

Le mythe raconte l’histoire de Héro, une jeune prêtresse d’Aphrodite, vivant à Sestos, sur la rive asiatique du détroit des Dardanelles (l’Hellespont). Ayant fait vœu de chasteté, elle menait une vie retirée dans une tour. Malgré cela, elle tomba amoureuse de Léandre, un jeune homme d’Abydos, sur la rive opposée du détroit, en Europe. Leur union était interdite, à la fois par le vœu sacré d’Héro et par l’opposition de leurs familles.

Pour entretenir leur amour, Léandre décidait chaque nuit de traverser à la nage les eaux du détroit afin de retrouver Héro. Celle-ci l’aidait en allumant une lampe au sommet de sa tour pour lui indiquer le chemin dans l'obscurité. Pendant un temps, leur stratagème fonctionna, et les amants purent se voir en secret.

Mais une nuit, alors qu'une violente tempête éclatait, Héro pria les dieux, dont la déesse marine Leucothoé, pour qu'ils épargnent son bien-aimé, leur promettant des sacrifices. En vain : les vents soufflèrent si fort qu’ils éteignirent la lumière de la tour. Privé de repère, Léandre fut emporté par les flots et se noya.

Le lendemain, son corps fut rejeté sur le rivage, au pied de la tour d’Héro. En découvrant son amant sans vie, Héro, accablée de douleur, se jeta à son tour dans la mer, mettant fin à ses jours.

Pourquoi l'amour est une force essentielle ?

Denys Puech représente ici Héro à genoux sur un sol rocheux au bord de la mer, le visage enfoui dans ses cheveux, effondrée par la perte de Léandre, noyé alors qu’il tentait de la rejoindre à la nage. Ce drame amoureux, marqué par la fidélité, le courage et le deuil, devient sous les doigts du sculpteur un cri silencieux : celui d’un amour si fort qu’il transcende les interdits, la distance… et même la mort.

À travers le traitement délicat de la posture, la tension contenue dans les gestes, Denys Puech nous donne à voir bien plus qu’un simple épisode mythologique. Il nous livre une vision profonde de ce que l’amour peut être : un élan vital, un manque, une lumière, une perte, mais surtout un lien indestructible. Héro devient alors l’image universelle de celles et ceux qui aiment profondément.

Cette œuvre nous rappelle que l’amour est bien plus qu’un sentiment. C’est une force de transformation, une énergie qui nous pousse à franchir des limites, à défier le destin, à nous révéler. Il structure nos vies, nos choix, nos espoirs. Il est ce qui relie les êtres au-delà des différences, des distances ou des obstacles.

Le choix de Denys Puech de traiter ce sujet mythologique, à la fin de sa carrière, n’est pas anodin. Connu pour ses sculptures sensibles, il place ici l’émotion brute au centre de la composition. Et si ce sculpteur, issu d’un milieu modeste, formé dans les plus grandes écoles, et récompensé par les plus hauts honneurs, revient à ce geste d’amour désespéré, c’est peut-être pour nous dire que, malgré la gloire, l’amour reste l’essentiel.

À travers cette statue, exposée dans notre ville, Fontenay-aux-Roses, nous sommes invités à regarder l’amour non pas comme une faiblesse, mais comme une force. Une force qui bouleverse, qui construit, qui relie. Héro pleure Léandre, mais en pleurant, elle nous rappelle à tous qu’aimer, c’est vivre pleinement.

 

Analyse d'œuvre par Emilie Dumesnil 

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